Le fret ferroviaire en France est en crise : mouvements sociaux, fermeture de lignes capillaires, arrêt temporaire de la ligne de la Maurienne… Mais selon un acteur de premier plan qui ne nous a pas autorisé à mentionner son nom, les malheurs du fret ferroviaire viendraient en partie de la situation hégémonique de SNCF Réseau. Ci-dessous un extrait du message envoyé par cet acteur remonté par le désastre qu’il voit poindre à l’horizon :
L’évolution de la part du fret ferroviaire en France depuis 50 ans :
- 1974 : un seul opérateur, plus de 50 chantiers de tri en France, 74 milliards de tonnes-kilomètres (t/km) transportées,
- 1998 : 55 milliards de t/km transportées,
- 2005 : 40 milliards de t/km transportées à la veille de la libéralisation du marché et de l’arrivée de nouveaux acteurs.
- 2019 : 11 entreprises ferroviaires assurent 99% du tonnage transporté, moins de 10 chantiers de tri en intégrant des plateformes reprises ou crées par de entités privées, 32,5 milliards de t/km transportées,
- 2022 : légère reprise où 23 entreprises ferroviaires (et 8 candidats autorisés) ont assuré 35 milliards de t/km alors que la route assurait en 2020 plus de 330 milliards de t/km (source Ministère de l’Ecologie).
- 2023 : effondrement du transport combiné avec – 23% (comparé aux 11 premiers mois de l’année précédente).
De la même manière, les nombreux plans de relance du fret ont tous été des échecs.
L’annonce en 2021 d’un doublement de la part modale d’ici 2030 mène les acteurs une fois encore vers un échec retentissant (- 22% en 3 ans soit au 1/3 de la durée de l’engagement !).
Concernant la circulation des trains, et toujours dans l’optique du doublement de la part modale du fret ferroviaire, les entreprises ferroviaires (EF) ne sont plus en mesure d’honorer leurs obligations de transporteurs lorsque SNCF Réseau sort des prétextes fallacieux en disant que :
- La température est trop élevée (11 constats d’huissiers relevant des températures comprises entre 18 et 21 degrés à 8h00 du matin, température permettant la circulation des trains mais qui n’ont toutefois pas été autorisés par Réseau « en prévision d’une montée de température ….. à venir »,
- Il y a trop de givre … ou trop de de neige,
- Il y a des feuilles sur les voies et le rail est glissant,
- Les pluies sont trop conséquentes et la desserte n’est pas possible,
Comment font-ils dans d’autres pays aux températures plus extrêmes ?
Et lorsque les éléments extérieurs ne sont pas de la partie pour justifier des impossibilités de circulation, plusieurs événements viennent perturber la circulation des trains de fret :
- Un mouvement social « d’une certaine catégorie de salariés » (les Etablissements Infra Circulation, ou EIC, ont été particulièrement actifs en 2023 mais pas que …),
- Des travaux rendus tardivement quand ils ne sont pas inopinés générant une suppression de sillon,
- Des personnels inopinément absents dans les postes de circulation et que Réseau ne sait pas remplacer,
- Des retards liés à toutes sortes de causes faisant perdre le sillon (garage du train car prolongation de l’ouverture de la gare destinataire impossible par manque de moyens, recherche d’un nouveau sillon au mieux le lendemain et insatisfaction totale du client voire, pénalités pour l’EF),
- Des ralentissements imposés pour préserver la sécurité des circulations : 5500 km en 2017 dont 4000 km sur les « petites lignes » empruntées pour desservir les ITE des clients (contre 2500 km en 2008)
- Des procédures de traitement des réclamations adressées à Réseau d’une complexité inouïe, avec des délais courts de présentation, des règles établies unilatéralement et qui, in fine, permettent à Réseau de ne quasi jamais assumer ses obligations et de ne pas régler des pénalités qui ne compenseraient que très partiellement les préjudices subis,
- Une « réglementation » découlant du DRR (Contrat d’utilisation de l’infrastructure du RFN) où l’EF est d’entrée présumée responsable de tout incident, à charge pour elle d’apporter la preuve d’une responsabilité tierce (avec un état de l’infrastructure sur les voies de service dont il est difficile, voire quasi impossible, de prouver le manque d’entretien).
Par ailleurs, la Commission des Finances du Sénat déclarait dans une note du 9 mars 2022 que « le modèle de financement de SNCF Réseau [n’était] pas viable » et écrivait clairement que :
« SNCF Réseau est moins performant que ses homologues européens. Alors que sa productivité a stagné depuis 20 ans, en France, trois fois plus d’agents sont nécessaires pour faire circuler un train qu’ailleurs en Europe. Aussi, SNCF Réseau se doit-il de réaliser des gains de productivité considérables. Ses modes de fonctionnement, encore ancrés dans l’histoire des infrastructures ferroviaires, doivent être profondément revus ».
Les EF sont quasi toutes en grande difficulté financière. Comment pourrait-il en être autrement dans un tel contexte ?
Tous les acteurs se cassent la figure ensemble la figure et se donnent rendez-vous dans un an en prenant le temps d’ici là d’habiller la réalité de cette chute collective (avec de jolis slides et de belles tables-rondes).